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M'PEP Auvergne
18 août 2009

Une lettre du M'PEP au Front de Gauche

Le 27 juillet 2009

Marie-George Buffet (Parti communiste français)
Lucien Jallamion (République et Socialisme)
Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche)
Christian Picquet (Gauche Unitaire)

Chers camarades,

Le Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP) a appelé à voter pour les listes du Front de Gauche et mené campagne pour lui lors des élections européennes de juin 2009. Le M’PEP a fondé son choix sur les trois considérations principales suivantes :

  • le Front de Gauche était la seule initiative unitaire et constituait un pas dans la direction du rassemblement des gauches ;
  • ses membres ont rejeté le traité de Lisbonne et ont estimé, à juste titre, que les traités européens étaient « incompatibles avec des politiques de gauche » ;
  • la « Déclaration de principes » du Front de Gauche était la plus proche des orientations du M’PEP.

Le Front de Gauche a réalisé un score encourageant. C’est une des raisons pour lesquelles le M’PEP espère la poursuite et l’approfondissement de cette expérience. Si le M’PEP appelle à sa continuation, il appelle également à sa transformation. C’est dans cette perspective qu’il formule les six propositions suivantes :

 1.- Travailler à l’élaboration d’un « tronc commun » politique sur lequel pourraient se greffer des accords à géométrie variable entre le plus grand nombre possible d’organisations de gauche
  • Le but de ce « tronc commun » politique serait triple : stimuler les luttes immédiates ; constituer des éléments du réarmement idéologique de la gauche ; servir de programme aux prochaines échéances électorales (des régionales aux présidentielles et législatives).
  • Ce « tronc commun » serait un socle solide, le plus avancé possible, une sorte de plus grand dénominateur commun, auquel toutes les composantes de la gauche pourraient adhérer après l’avoir élaboré en commun. Mais au-delà de ce « tronc commun », pourraient se greffer des accords et des visions à géométrie variable.
  • La mise en oeuvre d’un tel processus ne remettrait évidemment pas en cause l’autonomie de pensée et d’action des organisations qui y participeraient. Le Front de Gauche a une responsabilité particulière, s’il veut vraiment ouvrir une perspective politique nouvelle. C’est à lui qu’il revient de lancer ces débats pour lesquels le M’PEP pense qu’ils devraient concerner toutes les organisations qui le souhaitent, sans tri préalable du Front de Gauche ; être publics ; être réguliers ; être décentralisés dans les départements ; se terminer, lors de chaque séance, par un relevé des points d’accords et des points de désaccords ; se poursuivre à partir de l’état des discussions précédentes afin d’approfondir les points d’accords et travailler à réduire les points de désaccords.
  • La nouvelle manière de pratiquer la politique que propose le M’PEP nécessite néanmoins un préalable : celui d’une véritable révolution culturelle conduisant à reconnaître les désaccords. Acceptons de regarder la réalité en face ! La gauche – le constat est valable quasiment à l’échelle internationale et particulièrement à l’échelle européenne - est aujourd’hui morcelée entre un grand nombre d’organisations. Cette situation résulte de deux phénomènes : d’une part, l’alignement des partis travaillistes, sociaux-démocrates et socialistes sur les politiques néolibérales ; d’autre part, l’explosion du système soviétique, qui ont l’un et l’autre suscité l’éclatement ou l’effritement des partis concernés. Le réarmement idéologique et politique de la gauche ne pourra s’opérer que par un lent travail de rapprochement entre ces différentes structures. Ainsi, pour y parvenir, les désaccords entre les organisations doivent être identifiés clairement, point par point, et faire l’objet de débats publics. C’est le seul moyen, semble-t-il, d’éliminer les quiproquos et de réduire, si possible, les zones de divergences. En tout cas, des désaccords entre organisations de gauche ne peuvent servir de prétexte à un refus du dialogue. Ni à interdire l’identification des points d’accords qui existent et sur lesquels il faut s’appuyer pour aller de l’avant.
 2.- Renforcer les liens des militants du Front de Gauche à l’échelle locale

Le bilan des élections européennes peut être une occasion de débats pour les militants. Ou le Front de Gauche sera une construction de sommet et ses chances de chambouler le paysage politique seront extrêmement minces ; ou il s’enracinera à la base et il pourra véritablement créer une dynamique dans le pays.

 3.- Réévaluer la question européenne

Le niveau exceptionnel atteint par l’abstention lors de l’élection européenne de juin 2009 nécessite une réévaluation complète des positions de la gauche sur la question européenne. Comment croire qu’il soit possible de construire une quelconque union européenne dans l’indifférence ou même l’hostilité d’une majorité des peuples ? Cette réalité s’impose désormais aux partis, organisations et regroupements de gauche qui auront à assumer leur rupture avec la logique néolibérale de l’Union européenne. L’Union européenne actuelle, tant dans sa conception que son fonctionnement et ses politiques, s’est construite et persévère contre la démocratie et les politiques de gauche. Certains de ses concepteurs l’ont construite pour cela. Aujourd’hui, c’est la réalité.

Pour le moment, les propositions de la gauche anti-libérale, dans ses différentes composantes, reposent sur la signature de nouveaux traités européens ou une « constituante » européenne. Ces objectifs n’ont de sens que dans le très long terme ; à court et moyen terme, ils n’en ont aucun. Les élections européennes 2009 viennent de démontrer qu’il n’existe aucun rapport de force, à l’échelle des Vingt-Sept, pour parvenir, à brève échéance, à l’un ou l’autre de ces objectifs. La gauche doit donc en tirer toutes les conséquences et combler le vide politique et idéologique qui la prive de la plénitude de sa crédibilité. Pour contribuer au débat, le M’PEP avance notamment la proposition de « désobéissance européenne ».

 4.- Accepter la diversité et le pluralisme

Le Front de Gauche n’a aucune raison de craindre la diversité et le pluralisme. D’ailleurs, pendant la campagne des élections européennes, c’est lorsque le Front de Gauche s’est élargi qu’il a progressé dans les sondages. Ces derniers lui donnaient 2% au moment du tête-à-tête entre le PCF et le PG, et ils sont montés à plus de 6% quand deux nouvelles formations politiques l’ont rejoint. La gauche est diverse, elle doit se retrouver dans une construction politique commune. C’est ce qu’attend l’électorat de gauche.

Au-delà des divergences profondes qui peuvent exister entre le Front de Gauche et le programme de la liste Europe Ecologie, une leçon, entre autres, doit être tirée du résultat qu’elle a obtenu : le pluralisme et la diversité ont été plébiscités. Cette liste, en effet, était composée de partis politiques, d’associations, de personnalités. Les histoires, les profils et les conceptions politiques de ses membres étaient très différents. Et malgré ces différences, un programme électoral les a rassemblés, soutenu par une fraction significative de l’électorat.

Le Front de Gauche peut lui aussi réussir à réunir la diversité et le pluralisme de la gauche. Pour y parvenir, quatre questions méritent de trouver une réponse nouvelle :

1. La cohérence du Front de Gauche ne doit pas s’opposer à sa diversité et à son pluralisme Une cohérence politique est évidemment nécessaire pour s’opposer efficacement au néolibéralisme.

Une démarche systémique est même indispensable. Tel est le but du « tronc commun » proposé par le M’PEP. La « Déclaration de principes » adoptée par le PCF et le PG pendant la campagne des élections européennes l’a été en urgence par une démarche de sommet, sans débat public. Il est vrai qu’il était probablement difficile de faire autrement compte tenu de la création récente du Parti de gauche et de la proximité des élections européennes. Le contenu de cette « Déclaration de principes » et la manière dont elle a été élaborée ne peuvent donc servir de modèle.

Mais une fois passé le moment des élections européennes, le temps doit être trouvé pour construire une cohérence a posteriori et non a priori. Autrement dit, c’est par l’élargissement et le pluralisme qu’une cohérence sera trouvée, et non l’inverse. Ainsi, nous espérons que le Front de Gauche préparera le plus vite possible les élections régionales de 2010.

2. La « double appartenance » commence à être reconnue

La « double appartenance » signifie que des adhérents de partis politiques peuvent être également membres d’associations ayant une vocation politique. Le PCF et le PG, lors des rencontres avec le M’PEP, se sont inquiétés de cette pratique. Depuis, les choses ont heureusement évolué puisque le Front de Gauche a intégré deux organisations qui pratiquent la « double appartenance ». En effet, Gauche Unitaire autorise l’adhésion au NPA, tandis que République et Socialisme autorise l’adhésion au MRC.

Une autre raison justifie l’acceptation, par le Front de Gauche, de la « double appartenance ». Ce sont les formes nouvelles d’engagement politique d’une partie des citoyens qui considèrent que la « multi-appartenance » est une source d’enrichissement personnel et collectif. Ainsi, des citoyens adhèrent à un parti politique, à un club politique ou une société de pensée, un syndicat, une ou plusieurs associations… Telles sont les modalités contemporaines de l’engagement pour certains, que la gauche n’a aucune raison de nier ni de craindre.

3. Le Front de Gauche commence à rassembler au-delà des partis politiques

Initialement, le Front de Gauche ne voulait rassembler que des partis politiques. C’est du moins la raison officielle qu’il a donnée au M’PEP pour ne pas l’accepter en son sein. Là encore, les choses ont évolué positivement puisque le Front de Gauche, outre le PCF et le PG, compte deux nouveaux membres qui ne sont pas des partis politiques : Gauche Unitaire et République et Socialisme. Les conditions sont donc désormais réunies pour élargir véritablement le Front de Gauche au-delà des partis politiques.

4. Les désaccords doivent être identifiés, reconnus et acceptés

La gauche est aujourd’hui caractérisée par son morcellement. Ce dernier repose sur des divergences d’analyses, de perspectives, de pratiques, de programmes. Sauf à créer des illusions et mettre en place des constructions artificielles, les divergences entre organisations de gauche doivent être recensées avec précision. La démarche doit être clinique, sans passion, et relever d’une attitude normale entre organisations majeures.

Ainsi le M’PEP considère qu’il faut « faire bouger l’Union européenne ou en sortir ». Cette analyse n’est pas partagée, pour l’instant, par les directions du PCF et du PG. Le M’PEP ne fait pas pour autant de l’acceptation de cette position par le Front de Gauche un préalable pour en faire partie. La réciproque devrait être vraie : le Front de Gauche ne devrait pas empêcher l’entrée dans le Front de Gauche d’organisations qui ont des divergences avec lui – comme le M’PEP – mais qui ont aussi des points communs.

Pour éliminer toutes les sources possibles de malentendus, le plus simple est de se mettre autour d’une table et de faire deux listes : l’une avec les points d’accords, l’autre avec les points de désaccords, et l’importance relative des uns et des autres. On verra bien, au total, quel sera le bilan.

 5.- Participer aux élections régionales

En participant aux élections régionales, le Front de Gauche ainsi conçu afficherait sa volonté de s’inscrire durablement dans le paysage politique français et de participer à la construction d’une gauche unie, à la gauche du PS. Le M’PEP propose qu’une réflexion nationale et régionale, associant tous les acteurs qui le souhaitent (partis et mouvements politiques, élus, syndicalistes, associations), s’engage rapidement pour dresser le bilan de gestion de toutes les régions et élaborer les pistes d’un programme général dont le but serait de répondre à la question « qu’est-ce qu’une région gérée à gauche ? ».

Sur ces bases, le Front de Gauche présenterait alors des listes au premier tour, dans toutes les régions. Au deuxième tour, le Front de Gauche appellerait à battre la droite et à fusionner avec la liste de gauche arrivée en tête si lui-même n’était pas dans cette position. Il faudrait néanmoins refuser de s’allier à des membres du MoDem. Sur ces bases, donc, le M’PEP est prêt à s’engager, y compris par la présence de candidats sur les listes du Front de Gauche.

Cette stratégie n’est possible, bien évidemment, qu’à la condition de se fixer l’objectif explicite de devenir la première force à gauche, devant le PS. Or, sur ce point également, le M’PEP souhaite vous faire part de son inquiétude. Cet objectif, en effet, n’est pas évoqué par le Front de Gauche. Mais alors comment révolutionner la vie politique française si le Front de Gauche ne se fixe pas clairement l’objectif de devenir la première fore politique à gauche, c’est-à-dire passer devant le PS ?

 6.- Donner au Front de Gauche le dynamisme et la structure du Front populaire

Le Front populaire est né le 14 juillet 1935 lors d’un immense rassemblement antifasciste qui avait uni communistes, socialistes, radicaux, socialistes indépendants, syndicalistes de la CGT et de la CGTU, membres d’une association d’anciens combattants, du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, du Mouvement contre la guerre et le fascisme, de la Ligue des droits de l’Homme. Dès le lendemain, un « comité national pour le rassemblement populaire », chargé d’élaborer un programme commun et des accords de désistement dans la perspective des élections du printemps 1936 était mis en place. Il n’y avait donc pas que des partis politiques dans le Front populaire. Les élections législatives des 26 avril et 3 mai 1936 donnaient alors la victoire au Front populaire. Dans la foulée, les grèves avec occupations d’usines se multipliaient, et se concluaient par les Accords Matignon. Le Front de Gauche a lui aussi, s’il en a la volonté, vocation à s’inscrire dans l’Histoire.

Chers camarades du Front de Gauche,

Le M’PEP a été très déçu, comme d’autres organisations, de ne pas avoir été invité le 3 juillet, à la Mutualité à Paris, aux « 3 heures pour une alternative à gauche » organisées par le Front de Gauche. Vous le savez, notre Mouvement a énormément travaillé sur les alternatives au capitalisme, dans plusieurs domaines, et il est dommage de n’avoir pas permis le débat. Cet ostracisme contredit les déclarations faites régulièrement par les dirigeants du Front de Gauche qui appellent à son élargissement. Si le Front de gauche veut véritablement s’élargir, il ne pourra y parvenir qu’en s’adressant à des organisations qui ont des différences, des divergences, et même des désaccords sur des points qui peuvent être importants. S’élargir à des organisations qui sont déjà d’accord sur tout ne semble pas avoir de sens, tout simplement parce que de telles organisations n’existent pas ! L’union ne peut se réaliser qu’entre organisations diverses.

Les précédents courriers que nous vous avons adressés sont souvent restés sans réponse. C’est une attitude à laquelle nous ne parvenons pas à nous habituer ni à comprendre. Notre but est avant tout de faire avancer la réflexion et de militer pour une grande force politique de gauche. Nous avons applaudi à la création du Front de Gauche et nous voudrions encore participer à son développement. Nous espérons que la présente lettre inaugurera un cycle de relations normales entre organisations qui se respectent. Il ne nous parait pas extravagant, en effet, que des formations de gauche échangent des réflexions et des arguments, se répondent, se rencontrent et se disent clairement et franchement ce qu’elles ont à se dire. Vous aurez compris, chers camarades, que nous souhaitons vous rencontrer pour débattre de ces questions.

Michèle Dessenne et Jacques Nikonoff
Porte-parole du M’PEP

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